Un arbre nu n’est pas un arbre mort nous rappelle Isabelle Le Bourgeois dans son livre Le Dieu des abîmes [1]. Ce qui peut nous paraître une évidence est pourtant une métaphore pour de nombreuses situations, nous redisant qu’au-delà des apparences la vie est toujours là : la paix, la joie du printemps peuvent toujours revenir !

Le travail de thérapie conjugale et familiale nous invite chaque jour à l’humilité. Certaines situations pourraient en effet être qualifiées de désespérantes. Or, le temps de tout un chacun est sacré. On ne déchire pas la chrysalide pour faire advenir le papillon avant l’heure… Travailler sur soi et sur sa relation à l’autre est loin d’être aisé pour ceux qui cherchent à mettre en mots leurs difficultés et leur souffrances.
Toutes les personnes que nous rencontrons au Chêne de Mambré [2] sont mues par une espérance : l’espérance qu’il me reconnaisse, qu’elle ne me quitte pas, ou encore qu’on arrive à mieux communiquer… Elles crient – parfois à bas bruits – deux angoisses existentielles intrinsèquement liées l’une à l’autre : leur peur de l’abandon qui exprime un besoin d’amour et leur peur de ne pas exister qui exprime un besoin de reconnaissance.
Certains consultent une fois, d’autres dix fois ou plus. Quelques-uns interrompent le processus, d’autres ne donnent plus de nouvelles… Les thérapeutes ne voient donc pas toujours le résultat du travail dans lequel ils sont engagés avec les personnes. C’est portés par l’espérance et la foi en l’autre, en la Vie qu’ils auront à cœur de poursuivre leur service : en croyant que les personnes ont en elles les ressources pour avancer, qu’il y a une porte de sortie pour tous, même si, parfois, on peut difficilement l’imaginer!

Il y a deux ans, Inès et Bertrand sont venus régulièrement en consultation, sur une période d’environ 12 mois. A l’issue de cette période, Inès a décidé qu’il valait mieux se séparer de Bertrand et le couple a choisi d’interrompre le processus thérapeutique. Quelques mois plus tard, ils sont revenus consulter pour explorer la possibilité de se remettre ensemble. Ils sont néanmoins repartis sur le constat que cette éventualité était trop précoce… Quelle n’a pas été ma surprise de retrouver plus tard Inès et Bertrand ensemble à deux événements publics et cela à quelques mois d’intervalle ! Même si l’un ou l’autre signe laissait comprendre qu’ils ne vivaient toujours pas ensemble, quelle joie de les voir assis l’un à côté de l’autre à ces rencontres. Ils semblaient avoir trouvé un modus vivendi qui les rendaient plus sereins. Le cheminement se poursuivait…
Nous avons donné le nom du Chêne de Mambré à notre service d’écoute et d’accompagnement parce qu’il contient cette espérance. Le Chêne de Mambré, dans la Genèse, est un lieu où le champ des possibles s’élargit : au pied de cet arbre, Abraham et Sara s’entendent dire qu’ils auront un fils, alors qu’ils sont très âgés tous les deux. Sara n’y croit d’ailleurs pas et même en rit ! C’est donc un lieu de fécondité. Inspiré par cette histoire, notre service cherche à offrir aux personnes l’opportunité de réaliser qu’il y a des possibles qu’elles n’avaient pas encore envisagés. C’est un espace où toute personne peut venir et revenir quel que soit son passé pour y déposer même l’indicible et s’ouvrir à une présence écoutante.

Isabelle Le Bourgeois nous rappelle l’importance de cette présence : Être là, au plus près, au plus juste, le temps nécessaire. (…). Être là est du ressort de la foi. La foi en l’autre, en sa capacité à traverser le vent, les tempêtes (…) pour peu qu’il ne soit pas seul pour le vivre. La foi en l’autre, oui, mais aussi et peut-être surtout la foi avec l’autre [3].
En ce sens, la présence n’est-elle elle-même espérance puisqu’elle offre à la personne l’opportunité de se sentir aimée et reconnue et de découvrir de nouveaux horizons possibles ?
Myriam Denis
Thérapeute conjugale et familiale
Le Chêne de Mambré
[1] Le Dieu des abîmes. A l’écoute des âmes brisées, Albin Michel 2020, p.88
[2] Centre d’écoute et d’accompagnement de la pastorale Couples et Familles du Brabant wallon situé à Wavre
[3] Le Dieu des abîmes. A l’écoute des âmes brisées, Albin Michel 2020, p.88