Lien… Attachement ou entrave ? Affinité ou enchaînement ? Tous nous cherchons à être en lien, à vivre ou recréer des relations positives ! Et pourtant…

Pourtant, combien de tensions, de conflits, de cancers (« quand serre… ») issus de liens abîmés, trompés ? Combien de dépressions, suicides engendrés par des ruptures de liens ?… Nous avons tant de mal à détricoter les mécanismes sous-jacents de ce qui perturbe nos relations, à comprendre les attitudes de l’autre et bien souvent à nous comprendre nous-mêmes.
Le sujet fait couler beaucoup d’encre. Nous voudrions ici nous focaliser sur un élément essentiel pour soigner le lien : celui de l’unité dans la diversité.
La Trinité est l’essence même de notre foi : trois entités distinctes en une : Le Créateur, le Fils et l’Esprit qui les unit. Le couple est le sacrement de cette Trinité : l’homme, la femme et le couple lui-même créé par le lien l‘amour qui les unit. La famille composée du père, de la mère et de l’enfant reflète à leur façon cette image trinitaire. Des composantes différentes qui, tout en étant unies demandent à vivre en tant que telles.
La vie de ces communautés de personnes n’est possible que si la recherche d’unité s’associe à la différenciation de ces membres. Un couple laissant peu d’opportunités à chacun des partenaires d’être lui-même risque d’imploser. Une famille « très famille » qui entrave la liberté de ses membres dans ses choix et ses prises de distance se prépare paradoxalement à son éclatement.
Accepter la prise de distance et donner du temps au temps permettra à ceux qui s’éloignent de se sentir respectés et peut-être de revenir un jour. Le père du fils prodigue l’avait bien compris ![1]

Chaque groupe, couple, famille a besoin d’inspiration et d’expiration, de rapprochement et d’éloignement. C’est une question de souffle et d’équilibre. L’éloignement permet en effet à chacun de se recentrer, de se réaligner dans sa globalité (de refaire du lien en soi) ; de prendre conscience de la cohérence entre ce qu’il vit, ce qu’il ressent, ce qu’il pense ou souhaite et de se réajuster si nécessaire.

Parfois, dans un couple, l’un a besoin de distance, l’autre de rapprochement et ces aspirations apparemment contradictoires peuvent être mal comprises. Si Paul cherche à prendre plus de temps seul pendant une certaine période, Alix peut craindre de le perdre. Elle risque alors de s’accrocher à lui, de lui demander d’être présent tous les jours, de lui poser mille questions sur ses allées et venues. Paul, qui a besoin de solitude, sera alors poussé à prendre davantage ses distances incitant Alix à s’accrocher davantage… Un cercle vicieux s’installe. Il s’agit du paradoxe de la passion[2].
Seul le dialogue permet d’éviter ou de sortir de ce piège en exprimant ses sentiments (ex : étouffement pour l’un, inquiétude pour l’autre) et ses besoins (ex : distance pour lui, présence et sécurité pour elle) tout en tenant compte de ceux de l’autre.
Il y a aussi des liens si abîmés que les mots ne conviennent plus ou ne suffisent plus. Certaines personnes tellement peu respectées dans leur particularité n’osent plus s’exprimer. Une aide extérieure peut alors se révéler nécessaire pour permettre de comprendre les silences, de parler en son propre nom, d’oser la différence non plus comprise comme une menace mais comme une richesse et une condition de lien souple et solide !
Myriam Frys-Denis
Thérapeute conjugale et Familiale
Chêne de Mambré
[1] Le livre de Marion Muller Colard, Les Grandissants aborde ce sujet de façon très intéressante. Ed. Labor Et Fides, 2021, 88p,
[2] Delis, D. – Phillips C. Le paradoxe de la passion ; les jeux : de l’amour et du pouvoir. Ed Robert Laffont, 2007, 412p